Forclusion de l’action en garantie des vices cachés : pas de suspension en raison d’une mesure d’instruction avant tout procès
Le litige soumis à la cour d’appel de Douai est relatif à la mise en œuvre de la garantie des vices cachés dans le cadre d’une vente immobilière entre particuliers. A la suite de l’achat de l’immeuble, l’acquéreur a entrepris des travaux d’insonorisation. A l’occasion de ces travaux, entrepris plusieurs mois après la vente, il avait pu constater l’affaissement du plancher de l’étage. Ce vice n’avait pu être constaté avant la vente, puisque selon les données de la décision, l’état du plancher avait été masqué par divers subterfuges, notamment la pose d’un parquet et la mise en place de matériaux destinés à assurer la mise à niveau du sol. Si l’existence d’un vice caché de l’immeuble semble incontestable, l’action estimatoire de l’acquéreur est néanmoins déclarée irrecevable pour avoir été intentée hors délai (CA Douai, ch. 1, sect. 1, 28 mars 2019, n° 18/00429).
En effet, aux termes de l’article 1648 du Code civil, le délai pour agir, que ce soit sur le fondement de l’action estimatoire ou rédhibitoire, est de deux ans. Le point de départ de ce délai doit être fixé à la date de la découverte du vice, qui est donc variable en fonction des circonstances. Ainsi, l’action en garantie des vices cachés a pu être déclarée recevable, même sept ans après la vente, avec toutefois pour limite la prescription de droit commun de vingt ans, laquelle court à compter de la vente.
Pour entendre dire son action recevable, l’acquéreur entend faire valoir que le délai de deux ans de l’article 1648 du Code civil n’aurait commencé à courir qu’à la date du dépôt du rapport d’expertise, mais en vain. Selon la Cour, l’expertise n’a apporté aucune information complémentaire, mais s’est bornée à confirmer l’existence d’un vice caché et à chiffrer le coût de remise en état de l’immeuble. Pour la Cour, l’acquéreur, qui avait mis son vendeur en demeure de prendre en charge le coût des réparations nécessaires sans délai après la découverte du vice par ses soins, avait donc connaissance du vice dès la réalisation des travaux ayant mis à jour l’état du plancher. A tout le moins, l’acquéreur avait connaissance de sa cause, à savoir la démolition d’un mur porteur, et de son ampleur, à la date de l’expertise diligentée à l’initiative de l’assurance protection juridique de l’acquéreur.
Il est vrai que l’assignation en référé expertise avait interrompu le délai jusqu’à la date de désignation d’un expert judicaire. Mais l’effet extinctif avait pris fin à la date de la décision ayant nommé l’expert. Par conséquent, un nouveau délai avait commencé à courir, mais était arrivé à expiration à la date de l’action de l’acquéreur.
Vainement, l’acquéreur entend se prévaloir des dispositions de l’article 2239 du Code civil. Selon ce texte, la prescription se trouve suspendue durant l’exécution d’une mesure d’instruction avant tout procès, fondée sur l’article 145 du Code de procédure civil, dite expertise in futurm. Mais pour la Cour, ce texte n’est en l’occurrence pas applicable, le délai de l’article 1648 du Code civil devant être tenu pour un délai de forclusion. La Haute Cour a déjà pu rendre une solution similaire pour l’action en réduction du prix dans le cadre d’une vente d’un lot de copropriété l›article 46 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 ou pour les désordres apparents affectant un bien vendu en l’état futur d’achèvement.
Face à des mesures d’instruction longues, le plaideur aura donc intérêt à suivre de près les délais de forclusion qui s’imposent à lui.